Une pensée dans l’instant et l’unité spirituelle |
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Rinpoche fit ce discours en premier le 21 novembre 1993
Rinpoche le réitéra dans l’Association Vajrayana (France) en septembre 1994
Mis en ligne sur le site le 1er novembre 2014 (environ 21 ans après)
Introduction
Nous ne devrions pas négliger une pensée dans l’instant car il s'agit d'une image combinée à la fois de la conscience cosmique et de l'esprit de l'univers (ciel et terre). Le pouvoir de la "pensée" est tellement inconcevable qu’il est au courant de tout (du ciel à la terre), omniprésent, en incluant tout. Une bonne pensée peut planter la cause du (aller au) royaume céleste, alors qu’une mauvaise ouvre la voie de l’enfer. C'est quelque chose qu'un bouddhiste doit savoir nécessairement. Si les pensées ne surgissent pas, il y aura une rupture immédiate entre le précédent et le suivant. Par conséquent, on est capable d'atteindre un état d'esprit sans pensée (la pleine conscience) immédiatement. Discours principal (1) |
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Nous tournons autour du cercle des "pensées" tout au long de notre vie. C’est comme "l’inspiration et l’expiration du souffle" et "le battement des pulsations". Les pensées et les idées surgissent les unes après les autres de manière correspondante et répétée sans aucun moment de répit entre elles. |
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Quand on est endormi, les pensées et les idées sont déplacées vers la couche inférieure dans laquelle elles apparaissent dans le rêve sous forme d’images subconscientes. Comme dit le vieil adage : « Ce que vous pensez dans la journée apparaîtra dans vos rêves la nuit. » On pense à son Yidam le jour et on rêve de son Yidam la nuit, ce n’est pas du tout quelque chose d’inhabituel. Vous avez dit que vous aviez vu des Bodhisattvas dans vos rêves ; c'est aussi considéré comme quelque chose de normal.
En fait, un pratiquant du Vajrayana doit régler les affaires banales dans la journée comme des affaires du Yidam et conserver la visualisation du Yidam même la nuit, de sorte qu’il pratique encore le Sadhana du Yidam la nuit. |
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Zhuangzi (également connu sous le nom de "Maître Zhuang", philosophe chinois influent du 4ème siècle avant J.-C. à l’époque des Royaumes Combattants) a dit : « Un homme divin n’a pas de rêves ». C'est en réalité un état très profond puisqu'un grand pratiquant a déjà atteint l'état "libre de fausses pensées" et possède "un esprit libéré qui est détaché du temps et de l'espace" de sorte qu'il ne reste plus de matrice négative subconsciente (dans son esprit) pour causer des problèmes dans (la forme des) les rêves.
(Ha ! C’est pourquoi personne ne m’a parlé de ses rêves, ni demandé une interprétation des rêves récemment. Vous aviez l'habitude de beaucoup parler de vos rêves dans le passé. Parmi une minorité d’entre vous, chacun m’a raconté un rêve et cela m’a fait écouter plus de dix rêves par jour. Maintenant, vous êtes tous devenus de grands pratiquants qui ne rêvent plus. Vous avez effectivement progressé !)
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Bien que les grands héros et les personnes talentueuses des temps anciens aux temps modernes fussent si ingénieux qu’ils pouvaient explorer et étendre leurs territoires ainsi que conquérir le monde, ils n’étaient pas capables de contrôler leurs propres pensées agitées et fantaisistes. Jules César, de l’Empire romain, avait dit : « C’est beaucoup plus facile de conquérir le monde que de s’apprivoiser soi-même. » Par conséquent, la pratique consiste à s’apprivoiser et à se sauver (se libérer) soi-même. Votre Guru ne vous a pas sauvé, tout comme Bouddha Sakyamuni a dit : « Je n'ai sauvé aucun être. Les êtres sont éveillés parce qu'ils se sont sauvés eux-mêmes. » |
Discours principal (2) |
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Peut-être pouvez-vous poser des questions telles que « Qu'est-ce qu'une pensée dans l’instant ? » et « Est-ce une pensée qui émerge de l'esprit ? »
Si c'est aussi simple que cela, comment une seule pensée peut-elle engendrer autant d'états d'esprit et être reliée aux neuf lieux reculés et aux dix royaumes spirituels ? |
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Tout d’abord, il ne faut pas prendre les mots à la lettre et les traduire comme une pensée. En fait, une "pensée dans l’instant" fait référence à la concentration continue de l’attention sur une seule pensée de manière à atteindre l’unité spirituelle dans une certaine mesure. Comme les radiations électromagnétiques, la force spirituelle qui provient du pouvoir mental peut former différents champs de force mentale. C'est une sorte d'activité mentale continue. |
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Dans le Bouddhisme, une pensée dans l’instant est subdivisée en trois catégories : pleine conscience (en sanskrit : Samyak smrti), pensée pure, pensée distrayante (pensée erronée). |
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1) La pleine conscience — l'un des Huit Chemins Nobles. On pense pleinement à la caractéristique essentielle de la réalité (en sanscrit : Bhutatathata) alors que la réalité est le néant (sans forme). Les pensées sont des pensées non-fausses (c’est-à-dire des pensées correctes). Ni celui qui peut penser, ni celui auquel on pense ne sont fondés. Le "je" et le Dharma sont tous deux vides mais la vacuité n’est pas non plus fondée. Au fil du temps, on est tellement habile que l'on surmonte toutes les pensées terrestres et l’on entre dans la sainteté en atteignant un état de non-pensée. |
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2) La pensée pure — le chant des noms des Bouddhas ainsi que la réalisation de la visualisation correspondante avec son esprit fortement concentré sur un certain domaine sans l’apparition des pensées distrayantes est connu sous le nom de pensée pure. Cela fait également référence au chant des noms des Bouddhas dans l’espoir de renaître à Sukhavati (la Terre pure de l’Ouest du Bouddha Amitabha dans le Bouddhisme Mahayana) ; au chant de tout cœur du mantra du Yidam dans l’espoir de renaître dans la Terre pure du Yidam. Lorsque les pensées sont concentrées, et que la pensée et le voeu se combinent ensemble, il y aura une correspondance entre le Bouddha/Yidam et on pourra alors renaître dans la Terre pure du Yidam. Un pratiquant, qui est profondément convaincu par la présence de la Terre pure du Bouddha Amitabha/Yidam, possède une puissante force de vœu de renaître dans la Terre pure de l’Ouest/du Yidam. On concentre alors son esprit dans le chant des noms/mantras des Bouddhas. Au fur et à mesure que le temps passe, on devient de plus en plus adroit que l’esprit et la pensée sont purifiés sans que des pensées erronées ne surgissent. Ainsi, la fréquence de radiation des ondes mentales est progressivement ajustée pour coïncider avec celle du Bouddha Amitabha/Yidam, dont le vœu est de sauver les êtres. La correspondance entre le Bouddha/Yidam et l’esprit est comme un fils pensant à sa mère ou une femme se rappelant de son mari qu'il y a un échange entre le ressenti (des êtres) et la réponse (du Tathagata), ce qui permettra naturellement de renaître dans la Terre pure après la mort. |
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3) La pensée distrayante — également connue sous le nom de pensée erronée. L’émergence d’une illusion crée un karma et c’est la formation de "l’origine interdépendante causée par le karma" qui est décrite comme ayant une humeur agitée (c’est-à-dire troublée dans l’esprit) par des gens ordinaires. Bien que ce genre de pensée soit impur, cela permettra également d'atteindre l'unité spirituelle dans une certaine mesure si l'on peut avoir une concentration mentale en un point (en sanskrit : ekagrata, terme défini comme un facteur mental ayant pour fonction de se focaliser sur un objet. Il désigne l'état d'avoir un point. C'est l'unification de l'esprit sur son objet.) La concentration (samadhi) d'êtres ordinaires (凡夫定), la concentration dans le domaine du désir (kama-avacara samadhi 欲界定), la concentration dans la seule vacuité (頑空定), ainsi que la concentration fausse des non-bouddhistes (miccha-samadhi 外道的邪定), sont toutes issues des pratiques diverses de pensées erronées (雜修妄念). En outre, les trois royaumes et les six destinées du monde contaminé (有漏世界) proviennent tous de pensées distrayantes (pensées erronées). Par conséquent, vous ne devez pas être découragé par le fait que vous avez beaucoup de pensées erronées. Avoir des pensées erronées n’est pas si mal car vous pouvez quand même obtenir un certain nombre de "samadhi" si vous êtes capable de vous améliorer ! |
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Conclusion
Il est dit dans le【Sutra Suramgama Samadhi (首楞嚴經)】: « Ne cultivez pas de pensées distrayantes/fausses/erronées. » Par conséquent, le chant des mantras dans le Bouddhisme ésotérique consiste précisément à ne pas cultiver des pensées erronées, mais à pratiquer des pensées pures. |
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