Au fond, pas besoin de savoir
 

J'avais dix ans. J'étais debout face à la petite fille innocente de la porte d'à côté appelée Juki qui dit : « Grand frère, lorsque je serai grande, je voudrais me marier avec toi. Je serai gentille avec toi ; un jour, tu le sauras. »

J'avais vingt ans. J'étais assis, confronté au concours d'entrée commun à l'université pour la deuxième fois. Chaque jour, mon père disait constamment : « Fiston Chi, si tu ne commences pas à travailler dur pour entrer à l'université, comment peux-tu trouver un bon emploi dans l’avenir ? Je ne sais pas pourquoi tu es si occupé, tu n'es jamais à la maison, et en fin de compte... , mmm, un jour, tu le sauras. »

 

J'avais trente ans. J'avais mon premier rendez-vous amoureux. Ma marraine me présenta une fille et dit : « Xiao Ya est une fille bien, elle est belle et intelligente, a un beau physique et, ce qui est rare, c'est qu'elle est une bonne cuisinière. L’astrologue disait qu'elle apporterait chance à son mari. Si tu l'épouses, tu seras chanceux toute ta vie... un jour, tu le sauras. »

J'avais quarante ans. Je recevais mon bilan médical rempli entièrement de résultats négatifs en rouge. Charles, un de mes camarades de classe du secondaire qui était devenu médecin, me dit : « Lui (un prénom), tu devrais diminuer tes sorties ; tu dois manger moins de viande et de fruits de mer, faire plus de sport et te reposer régulièrement. Allons nager dans quelques jours, d'accord ? Si tu ne prends pas bien soin de ta santé, un jour, tu le sauras. »

J'avais cinquante ans. J'entrai dans le bureau de la directrice générale et elle me dit : « Joseph, à l’époque, je t’avais supplié de créer cette société avec moi en tant qu’associé, tu ne m'avais pas donné de réponse. Maintenant, tu me donnes ta lettre de démission. Pourquoi ? Joe, on va se marier ? »

J'avais soixante ans. J'étais au mariage de mon fils adoptif. Céline, une de mes camarades de classe du secondaire, assise à côté de moi, me dit : « Félicitations ! Bien que tu ne te sois pas marié, tu as un fils adoptif et tu as maintenant une belle-fille occidentale. Oh, cela doit être difficile pour toi de la surveiller. Tant que le ménage est fait, cela devrait être bon quand même. Tu ne devrais pas trop t'inquiéter, un jour, tu le sauras. »

J'avais soixante-dix ans. J'assistais aux funérailles d'un de mes camarades de classe du primaire. Ce jour-là, je regardais le ciel bleu, couvert de nuages blancs, qui semblait vouloir me dire : « Juki est décédée, Charles est mort dans un accident de voiture, Céline est aussi morte d'un cancer... un jour, tu le sauras... »

Maintenant, tout ce que je possède n’est qu'un vieil album de photos, contenant quelques photos qui ont déjà jauni, une feuille sur laquelle était écrite « je t'aime », mais je ne me souviens plus à qui la transmettre, trois costumes portés lors de banquets de mariage et un costume porté lors de plusieurs funérailles, un dossier avec de nombreux bulletins scolaires, quelques-uns de mes livres préférés et un livret rouge de compte bancaire. Mes pensions de retraite, accumulées durant des décennies de dur labeur, avaient été dépensées depuis bien longtemps. La somme existante indiquée sur mon livret de compte bancaire, correspond au revenu minimum d’insertion versé par le département des aides sociales de l’Etat.

Je contemplais profondément pendant un moment, et semblais entendre une voix du Ciel me dire : « En fait, ta richesse est l’esprit au sein de ton coeur. C'est pourquoi, tu dois saisir le moment présent, apprécier tout ce que tu as, et apporter diligemment ton aide à l’humanité. Quant au futur, tu n'as... au fond, pas besoin de savoir. »

 

Je marchais en boitant du milieu de la montagne vers le sommet. Mon manteau était légèrement mouillé. En recueillant la douce brise et la légère bruine, je criais : « Souviens-toi, saisis le moment présent ! ! ! »